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Le broyage des poussins mâles interdit d’ici fin 2022

Annoncée dès 2019, l’interdiction de l’élimination des poussins mâles en filière ponte a

désormais un calendrier précis. La filière, qui a jusqu’à la fin de l’année pour adapter son

activité, craint déjà de perdre en compétitivité à l’international.


C’est une victoire au goût amer pour les défenseurs de la cause animale. Par un décret publié ce dimanche 6 février, le gouvernement ouvre la voie à l’interdiction de l’élimination des poussins mâles. Une mesure annoncée dès 2019 lorsque Didier Guillaume était ministre de l’agriculture et attendue depuis plusieurs années, qui n’entrera effectivement en vigueur qu’au 31 décembre 2022.


La technique d’ovosexage, permettant de connaitre le sexe des fœtus au plus tard au 15e jour et donc d’éliminer les mâles avant leur éclosion, serait ainsi généralisée à l’ensemble de la filière. Chaque année, plus de 300 millions de poussins mâles broyés pourraient ainsi être

épargnés au sein de l’Union Européenne dont plus de 50 millions à l’échelle même de la

France, premier producteur du continent. L’année 2022 serait « l’année de la fin du broyage

et du gazage des poussins mâles en France » avait annoncé le ministre de l’agriculture Julien

Denormandie à l’été 2021.


Crainte de perte de compétitivité du secteur

« Le ministère a voulu aller plus vite que ce qu’on souhaitait et nous a mis la barre haute »

concède Philippe Juven, président de l’Interprofession des œufs (CNPO). Et pour cause, la

filière qui se compose de cinq couvoirs à travers le pays doit suivre un calendrier précisément établi en trois étapes  : début mars pour l’achat des machines, début juin pour la réalisation des travaux et fin décembre pour une application totale du décret. « Nous avons besoin d’unité sur le marché européen pour avancer sereinement » déplore Philippe Juven alors que l’UE n’a pas réglementé sur le sujet : seule l’Allemagne a d’ores et déjà généralisé l’ovosexage au sein de l’Union.


« Cela fait plus que doubler le prix du poussin, donc on s’inquiète pour la compétitivité de la

filière française sur le marché internationale » explique le président du CNPO qui évoque un

enjeu de souveraineté nationale alors que l’interdiction engendrerait pour la filière un surcoût annuel de 47 millions d’euros. Le ministère de l’agriculture se montre néanmoins optimiste en l’absence de calendrier précis à l’échelle de l’UE. Sept pays (France, Espagne, Italie, Pays-Bas, Suisse, Allemagne) auraient montré la volonté d’harmoniser la production européenne d’œufs alors qu’un ensemble de textes sur le bien-être animal devrait être revu fin 2023. En attendant d’éventuels accords, le gouvernement s’est engagé à aider la filière à hauteur de 15 millions d’euros dans le cadre du plan France 2030. Un soutien qui ne devrait pas empêcher une répercussion à la hausse sur les prix de l’offre a annoncé l’Interprofession des œufs (CNPO).


Une interdiction qui ne va pas assez loin pour les défenseurs de la cause animale

Malgré la publication du décret, la mesure peine à convaincre totalement les associations de

défense de la cause animale. « On peut s’en réjouir mais avec ce nouveau délai c’est 50

millions de poussins potentiellement tués » déplore Brigitte Gothière, directrice de L214. Les

associations reprochent au gouvernement d’avoir circonscrit l’interdiction à la seule filière de ponte, alors que d’autres secteurs comme l’élevage des canetons éliminerait de la même

manière les femelles, préférant les mâles pour la production de foie gras.


« Le décret fait l’impasse sur l’élimination systémique d’animaux  : si on veut vraiment

avancer c’est l’élevage intensif le véritable problème » avance la directrice. « Ce n’est pas un

hasard si ce décret arrive maintenant  : il s’agit d’une opération de communication, on est

dans l’ordre du symbolique ».


Iounès Disdier

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