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Les entreprises libérées sont-elles la solution au mal-être au travail ?

REPORTAGE. « Il ne va pas tarder, il est en train de déposer ses enfants à l’école », explique Pierre, le seul employé présent ce vendredi matin de décembre aux bureaux de l’entreprise de consulting Davidson PACA. À neuf heures, à l’heure où les open space sont déjà pleins, il n'y a pas grand monde dans ces petits locaux du sud-ouest d’Aix-en-Provence. Entre les canapés et la borne d’arcade de la salle d’accueil, on retrouve cinq exemplaires éparpillés du « Davidson Code » : « c’est notre bible », plaisante Pierre en tendant la quatrième édition de cet ouvrage de 215 pages qui résume la vision de l’entreprise par une soixantaine de “davidsonien(ne)s”. Fondée en 2005 par quatre managers d’une même structure de conseil refusant une logique plaçant “l’argent au cœur des préoccupations”, Davidson Consulting emploie aujourd’hui plus de 3.500 personnes à travers le pays. Sa particularité : son organisation horizontale impulsée par ses créateurs. Absence d’actionnaires au capital de l’entreprise, prise de décision locale en accord avec les directeurs associés de chaque filiale … l’entreprise met particulièrement l’accent sur le bien-être au travail, une préoccupation jugée en interne incompatible avec la verticalité du monde du travail français.


« On a 8% de turn-over, contre 30% pour le reste de la profession : les profits ont beaucoup été réalisé au détriment de la qualité de vie », explique Sébastien, 36 ans, manager et l’un des deux directeurs associés de la filiale PACA d’une petite dizaine d’employés. « Le bien-être en entreprise ce n’est pas mesurable, c’est très subjectif : on est des êtres humains », explique le jeune manager à la carrure de rugbyman, d’où la nécessité selon lui de redonner de la liberté au travail. Chez Davidson, si l’horizontalité s’incarne jusque dans les bureaux où directeurs associés, managers et responsable RH partagent le même espace, cela passe aussi par une forte autonomie accordée aux employés. « C’est moi qui ai décidé mes heures, je me gère, tant que le travail est fait c’est bon : je ne peux pas travailler sous pression », explique Yasmine, 23 ans, chargée RH en alternance, dont le costume vert pomme déteint avec la tenue décontractée de ses collègues. Ce discours pourrait faire tache dans d’autres entreprises mais qui n’inquiète nullement à Davidson. « Regarder l’heure c’est un truc très français, de regarder qui arrive en premier ou en dernier : les bons et les mauvais ne sont pas déterminés par leur temps de travail », explique Sébastien.


Cette liberté et cette confiance envers les salariés est incarnée par des moments à soi qui ne sont pas perçus comme une perte de temps. « Je n’arrive pas à travailler si je ne m’accorde pas du temps pour faire du sport, c’est deux heures entre 12 et 14h tous les jours », raconte le directeur associé de la filiale PACA, passionné de rugby et de CrossFit. « Si c’est une journée où ça ne veut pas, ça ne fonctionne pas, alors je n’ai aucun souci à partir et ne pas forcer : je brûle de l’énergie pour rien », confirme Alizée, ingénieure d’affaire et manageuse à qui il arrive de faire des coupures en plein milieu de la journée pour se détendre et même prendre de l’avance sur les achats de Noël. « C’est une organisation par laquelle je me sens beaucoup plus productive, ça évite de faire du présentiel, ça permet d’évacuer la pression … et de prendre du plaisir en travaillant derrière, tout simplement », avoue la manageuse. Des heures non travaillées qui n'entraînent pas nécessairement la déclaration de jours de congés mais qui repose sur une forte éthique professionnelle collective. « Dans les faits personne ne finira tout le temps sa journée à 14h non plus, mais il n’y a pas de contrôle, on est responsabilisés », raconte Sébastien.


Travaillant dans le consulting, les employés doivent se plier à un agenda dicté par les rendez-vous avec les clients et les appels téléphoniques. Une obligation qui n’est pas vécue comme une contrainte pour autant : finalement, ce jour, la plupart des dix employés sont arrivés après neuf heures pour repartir après 18 heures.


Iounès Disdier

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